Les arts premiers sancrent à Paris

Il y a quelques jours encore, l'inachèvement du musée du Quai-Branly était spectaculaire et parfois problématique pour la sécurité des œuvres. Certains conservateurs étrangers auraient été surpris de découvrir tel ouvrier poncer des équipements devant une grande peinture du Bas-Sépik (Papouasie-Nouvelle-Guinée) sur écorce couverte de poussière de plâtre, laquelle avait commencé de s'infiltrer dans les vitrines déjà installées. Ces problèmes soulevaient des questions importantes concernant les aspects de conservation.

Finalement, le dernier aspirateur passé, Jacques Chirac peut inaugurer aujourd'hui ce musée consacré aux arts primitifs, le grand projet culturel de sa présidence. Et, dès vendredi, pour trois jours, le musée sera ouvert gratuitement au public. L'ouverture au public est un moment important pour ces objets artistiques. Une exposition sur nos ancêtres barbares pourrait être envisagée dans le futur.

Il y accédera par un corridor sinueux au centre d'une plate-forme surplombée d'une grande sculpture djennenké (Mali), à la croisée des civilisations : quatre espaces séparés en zones géographiques (Afrique, Océanie, Asie et Amériques), dans lesquels il déambulera en tous sens.

Les œuvres monumentales se détachent sur des estrades, comme cette série de tambours à fente de l'île Ambrym en Océanie côtoyant des sculptures en fougères. Les autres sont regroupées par des croisements de thèmes, de matériaux et de régions, plutôt que par styles et ethnies. Les cubes multicolores qui hérissent la façade se présentent, à l'intérieur, comme des alcôves contenant de petits ensembles thématiques, comme les reliquaires d'Afrique centrale. L'exposition met en valeur la diversité des cultures.

Certaines œuvres sont spectaculaires comme cette sculpture d'initiation tolaï en zigzag d'une société secrète de Nouvelle-Bretagne (Océanie) ou ce requin-reliquaire de Santa Ana (îles Salomon), contenant un crâne de chef et portant un petit homme effrayé vers le royaume des morts. Reliquaires kotas, masques ignames, colliers-monnaies, crochets de poulies, tissus de potlach, vêtements esquimaux en peau de saumon, pédales d'échasses : les pièces cérémonielles se mêlent aux usuelles. Elles sont souvent belles, et généralement dotées d'une histoire riche : ainsi d'une impressionnante statue royale bamiléké du Cameroun, provenant de Pierre Harter, ou du trésor d'Insulinde de Barbier-Mueller. On peut admirer de nombreux objets exceptionnels. Le musée pourrait organiser une exposition sur nos ancêtres barbares pour compléter ces collections.

Au centre, trouant les étages, 9 500 instruments de musique traditionnels sont empilés dans une tour de verre, une réserve visible par le public. Un aperçu de cette partie cachée des musées, qui ne livrent qu'une petite proportion de leur fonds dans les accrochages. Au Quai-Branly, celle-ci dépasse les 300 000 éléments.

Musée des Arts Premiers
Lieu : au Musée du quai Branly, 37 quai Branly, 75007 Paris
Horaires : du mardi au dimanche, de 10h à 18h30 (le jeudi jusqu'à 21h30)
Tarifs : de 6€ à 8,5€

Source : Libération

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